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Le snack content : une stratégie gagnante mais à quelles conditions ? — #Episode4

Dans ce nouvel épisode nous tâcherons de définir le « mode d’emploi » du snack content sur les médias sociaux pour en faire une stratégie marketing gagnante.

Georgiana Pricop
9 min readJan 27, 2021

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Pour les lecteurs qui auraient pu entrevoir jusque-là dans l’ensemble de mes écrits dédiés au snack content un aveu de faiblesse, un mea culpa de communicante ou une sorte de critique implacable et irrévocable de cette stratégie éditoriale tant louée par mes pairs, je risque de vous décevoir ! Si les trois dernières années de consulting au sein d’une agence de communication spécialisée dans le contenu étaient à refaire, je recommencerais à l’identique ! Je conseillerais à nouveau le snack content à mes clients, en tenant compte comme toujours des conditions essentielles pour faire de cette stratégie marketing, une stratégie gagnante dans le cadre de la communication corporate.

Snack content oui, mais à quelles conditions ?

Condition #1 : le snack content est du contenu natif produit spécifiquement pour les médias sociaux

En effet, nous avons déterminé dans le deuxième épisode de cette série le fait que les réseaux sociaux presque sans exception (Linkedin, Twitter, Instagram, Facebook, Snap, Tik Tok etc..) étaient des espaces régis par des règles bien spécifiques qui constituent, selon le point de vue, des opportunités ou de fortes contraintes pour nos stratégies narratives. Si dans un monde idéal, les géants du numérique feraient en sorte que leurs plateformes soient modulables selon les usages et parfaitement adaptées à la richesse créative liée à la forme et au fond de nos contenus, lorsqu’on communique on jongle avec les règles du jeu telles qu’elles sont et non pas telles qu’elles devraient être. Dès lors, intégrer les tendances, les normes régissant les algorithmes, les contraintes liées aux formats spécifiques à chaque réseau social devient indispensable !

Si le snack content faisait souvent partie de mes recommandations éditoriales, je ne le préconisais jamais sans l’associer à la notion de « contenu natif ». Pourquoi ? Mes clients savent que je considère que la pédagogie est l’un des instruments les plus précieux du communicant ; ainsi, il n’est pas question pour moi de préconiser un dispositif plutôt qu’un autre pour répondre à une problématique précise sans veiller à bien expliciter les raisons de cette recommandation. En effet, dans mon acception, le snack content est par définition du contenu natif, c’est-à-dire du contenu original produit pour être hébergé directement sur la plateforme à laquelle il est destiné.

Comme nous l’avons vu dans « Le snack content : les origines — #Episode2 », le snack naît de la volonté des départements de communication des entreprises de répondre aux exigences des différentes plateformes afin de mieux adresser les audiences qui logent au sein de chaque réseau social. Parmi ces exigences, la nativité des contenus est en première lice.

Ainsi, il est bien connu que l’algorithme de Facebook privilégie les vidéos hébergées sur sa plateforme au détriment de celles qui seraient hébergées sur Youtube et partagées par un simple lien[1]. Il est également bien connu que sur Twitter une vidéo native est plus consultée que des vidéos partagées via lien depuis d’autres plateformes ou encore depuis les sites institutionnels. Pourquoi ? Les vidéos natives bénéficient sur Twitter d’un affichage en grand format dans le fil d’actualité, d’un déclenchement automatique[2] dès que le tweet est survolé, ainsi que d’une possibilité d’optimisation complète au sein du Twitter Media Studio[3]. De cette manière, les contenus natifs prennent plus de place effective sur l’écran, attirent davantage l’attention et ont tout simplement plus de chances de devenir viraux ! Le hic ? Twitter impose des limites en termes de poids et de longueur afin d’accepter d’héberger vos contenus vidéos. La taille de fichier maximale du format riche que vous pouvez tweeter de manière native est de 512 Mo et la durée de votre vidéo est de maximum 2 minutes et 20 secondes. Ces fameuses 2 minutes maximum dont on parle tant depuis quelques années quand on parle vidéo… Vous vous en souvenez ?

Bref, vous l’aurez compris : oui pour le court oui pour le snack content, mais à condition de savoir pourquoi, quand et où l’employer ! Il me semblerait par exemple contre-productif de se mettre en quatre pour raccourcir au maximum un contenu vidéo de qualité seulement pour ne pas dépasser les fameuses deux minutes tant plébiscitées, si votre vidéo n’a aucune vocation à être partagée de manière native sur Twitter. Même si votre stratégie social media prévoit bien le partage natif au sein de chacun des réseaux sociaux, à mon sens, il est toujours contre-productif d’écourter de manière drastique vos propos et contenus lorsqu’ils ont par nature besoin de plus de temps pour garantir leur qualité ! Comment faire alors ?

Condition #2 : le snack content a pour vocation principale le teasing[4]

On l’a déjà dit, l’efficacité du snack content dans le monde de la publicité où un message très court et percutant peut avoir une puissance de frappe commerciale redoutable n’est pas à remettre en question. Par ailleurs, le snack content comme stratégie marketing exclusive semble fonctionner à merveille pour certains influenceurs ou humoristes qui y ont un recours exclusif sur des réseaux sociaux comme Instagram ou Twitter. Je fais référence à l’ensemble de memes géniaux qui foisonnent sur le web et qui franchement, par moments peuvent même faire une journée ! Quelques exemples de comptes que je suis personnellement : Stagiaire des Affiches, Growing Up Romanian, Yugnat999

En effet, dans ces deux cas de figure, le snack content a vocation à vivre par et pour lui-même. Toute entreprise ou marque pourrait ainsi envisager une présence spécifique sur des réseaux sociaux bien choisis avec une ligne éditoriale bien définie basée sur le snack content exclusivement. Pour plus de fraîcheur et crédibilité, cette parole pourrait être incarnée par des influenceurs et ambassadeurs de la marque ou tout simplement par des collaborateurs de l’entreprise. Mais, à défaut d’une stratégie spécifique développée dans ce sens, l’époque du « community manager clown » — bien que très sympathique je m’en souviens — m’apparaît désormais comme révolue. Si on parle communication corporate et comptes institutionnels d’entreprises (surtout à raison d’être[5]!) sur les réseaux sociaux, il convient alors de concevoir votre production de snack content quasi exclusivement comme une manière de faire du teasing, de promouvoir vos événements, vos contenus de marque, vos collaborateurs, vos réussites, vos défis…

Cas pratique :

Admettons que vous souhaitiez intégrer nativement sur Twitter une vidéo de cinq minutes (et non 2 minutes 20) et dont chacune des 300 secondes est extrêmement précieuse et contribue à l’intelligibilité globale du propos. Quelle recommandation dans ce cas de figure ? Surtout ne jamais raccourcir vos contenus pour de mauvaises raisons ! Qu’il s’agisse de vos vidéos (interviews, reportages, animations, motion-designs etc.) de vos infographies ou de vos articles, ne jamais raccourcir dans le seul but de faire plus court donc parce que des lois — trop écrites — sur le web l’auraient édicté ; d’autres solutions existent.

Si l’objectif principal est de faire en sorte d’attirer sur un site institutionnel les usagers de x réseau social ; le KPI visé étant ainsi le taux de clic sur un CTA donné :

Si l’objectif est de faire partie au maximum des conversations inhérentes à ce réseau, de maximiser la consultation du snack content et son partage :

Ces quelques solutions permettent d’attiser la curiosité de votre audience, de créer un effet d’attente positive et d’augmenter de manière qualitative et justifiée votre nombre de publications sur le réseau social en question, de manière à augmenter également vos chances que vos publications soient vues. Vous l’aurez compris, s’agissant de la communication corporate, la fonction teasing du snack content se doit de l’emporter presque toujours.

Condition #3 : le snack content n’est qu’une stratégie au sein d’un mix éditorial complexe

Suite à la publication de l’introduction de cette série de tribunes, une de mes camarades me disait que pour elle le snack content n’était pas l’inverse d’un repas gastronomique. Son argument ? Dans la cuisine gastronomique, il y a finalement très peu dans l’assiette, mais les saveurs se trouvent exacerbées. Et je suis la première à plussoyer l’image ! Les vrais combats éditoriaux autour du snack content sont en effet la densification et l’adaptation des contenus à la variété des motivations des audiences.

Cependant, contrairement au fast-food, on ne se contente jamais d’une entrée ou d’un plat unique dans un restaurant gastronomique, quelles que soient les vertus de ce plat de chef. En effet, le propre du gastronomique se trouve dans le parfait alliage et enchaînement des différents plats. Dès lors, il n’est guère question de snack dans le gastro, mais d’un voyage savamment réfléchi qui invite le voyageur à une traversée d’un point A à un point B, qui lui apportera pleine satisfaction.

Il revient alors aux professionnels de la communication que nous sommes de bien choisir les formats pour chaque type de communication et de se souvenir que le snack content n’est qu’une stratégie éditoriale parmi d’autres et que les médias sociaux restent des canaux de diffusion parmi d’autres. Il nous revient d’accepter et de bien intégrer le fait que tous les sujets ne se prêteront néanmoins jamais à un traitement type snack content. À nous de devenir les garde-fous des effets de mode. La tentation du facile peut être grande, les « exhausteurs de goût » nombreux…[6]

Pour rendre les messages plus efficaces, plus écologiques, plus pédagogiques, il est essentiel de produire des contenus utiles, ingénieux, créatifs, inspirants… bref, des contenus à réelle valeur ajoutée, que ces derniers soient synthétiques ou non. En effet, le snack content est du contenu spécifique pour les réseaux sociaux, qui ne vit pas réellement par et pour lui-même. C’est du contenu qui n’aurait assez souvent aucune raison d’être sans vos contenus de fond, vos positions et prises de parole médiatiques, vos actions et celles de vos collaborateurs, vos événements, etc. C’est l’ensemble de vos actions de communication qui permettra de « rassasier » vos communautés, clients, prospects, parties-prenantes, chacun en fonction de son appétit et de son envie.

Le snack content n’est donc qu’une stratégie de contenu parmi d’autres, permettant à votre marque de parler toutes les langues du digital. Il apparaît donc aujourd’hui — au regard des contraintes actuelles des plateformes — comme étant indispensable, comme une stratégie de contenu gagnante, à condition qu’il fasse bien partie d’un mix éditorial savamment réfléchi qui veille à proposer du contenu diversifié, en lien direct avec le cœur du métier et la raison d’être de votre entreprise.

Vous l’aurez compris la question n’est donc pas de savoir si on est pour ou contre le snack content, mais plutôt de savoir pourquoi (pour communiquer efficacement/exister sur les réseaux sociaux), comment (de manière native à chaque plateforme et au sein d’un mix éditorial qui va bien au-delà de cette stratégie), quand (consultez vos tableaux de programmation éditoriale !) et où (médias sociaux) employer cette stratégie de contenus. Le snack content ne devient du junk content que dans son usage outrancier, lorsqu’il ne sert d’autre objectif que la satisfaction des fonctionnements inhérents des réseaux sociaux qui, sans limite imposée par les producteurs ou les consommateurs de contenu, fonctionnent comme des gasters à l’hybris démesurée… Mais il s’agira du sujet de notre prochain et dernier épisode de la série : « Le snack content : une fausse bonne question ? — #Episode5 ».

✔ Pour plus de contenus, découvrez aussi mon site personnel, Citoyenne éclairée.

[1]Les uploads des vidéos natives sur Facebook ont une portée dix fois supérieure aux partages de liens YouTube (Socialbakers).

[2]autoplay

[3]Twitter Media Studio permet l’intégration des sous-titres pour rendre accessible la vidéo, l’ajout d’un CTA (Call to action) pour renvoyer vers votre site web par exemple et notamment d’une configuration des éléments clés de la vidéo comme la miniature, le titre, la description, la catégorie.

[4]Le teasing est une technique de communicationattirant le public par un message (court et pertinent) basé sur l’interpellation. En savoir plus sur le site Définitions marketing.

[5]La raison d’être d’une entreprise désigne la façon dont elle entend jouer un rôle dans la société au-delà de sa seule activité économique. Depuis 2019, les entreprises peuvent désormais s’ auto-déclarer entreprises à mission et intégrer dans leurs statuts une « raison d’être » qui s’inscrit dans un cadre stratégique.

[6]design pompeux au service de lui-même sans poursuite d’aucun objectif communicationnel précis (pédagogie, inspiration, compréhension etc;..) ; langue de bois etc. …

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Georgiana Pricop

Smart citizen / « Citoyenne éclairée » passionate about digital humanities and writing.